sur une histoire mainte fois demandé et raconté
à Léonce Revest.
Qu'ai-je connu de toi,pauvre voisin de lit,
Quand j'était étendu, le soir, de la bataille,
Dans le Kriegs-lazarett, pour ma première nuit
Qu' ai- je connu de toi, qu'ai-je connu qui vaille
qu'aujourd'hui cela soit écrit ?
Je ne puis faire appel au moindre témoignage,
Car la veilleuse seule éclairait l'hopital.
Et je n'aurais pas vu les traits de ton visage,
Même si j'avais pu, dominant mieux mon mal,
Me soucier du voisinage.
On distinguait parfois quelques gémissements,
De ces gémissements qui n'ont plus de patrie,
Car, ils sont tous pareil, français comme allemands,
Et l'on n'appartenait qu'au pays de la vie,
Ou bien à celui des Mourants....
Or, des refrains guerriers montaient d'une autre salle.
La musique et les chants qui grisaient les soldats
Devraient- ils parvenir jusqu'au bléssé qui râle,
Et qui n'a pas quitté le terrain des combats
Pour une marche triomphale?
Tandis que j'appelais l'impossible repos,
J'ai senti qu'une main glissait sur mon épaule;
De cette main mes doigts ont caréssé le dos...
Ces gestes d'amitié valaient une parole.
Mais qui pouvait dire deux mots ?
Enfin, tard dans la nuit, revint quelque silence;
Je reçus comme un don trois heures de sommeil.
Voulant avec le jour faire sa connaissance,
Je cherchais mon voisin à mon premier réveil.
Voila ma seule souvenance:
Un drap cachait le corps de ce jeune allemand
qui mourrut aux accents trompeurs d'hymnes de guerre.
Du contact de ma main eut- il soulagement ?
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Ce que j'écris ici, vous voyez, ce n'est guèrre;
Je vous l'ai dit; en commençant.
....Bien des années plus tard, repensant à l'histoire,
Au service de la paix, j'était dans la ressemblance,
D'un voisin de lit, qui lui aussi pleurait de souffrance.
Pour un conflit de puissants, sans grand espoir,
Qu'il n'y a pas d'époques et de frontiéres,
Aux folies des hommes, toujours meurtrières........
Manet